Même avec la meilleure technique, la chirurgie du cancer est habituellement associée à la libération des cellules cancéreuses dans le système lymphatique et la circulation
sanguine. Une fraction importante de patients ont déjà des micrométastases et des cellules cancéreuses sont disséminées au moment de la chirurgie. (1)
Les métastases dépendent en grande partie sur l'équilibre entre activité immunitaire et la capacité de la tumeur à proliférer et à attirer de nouveaux vaisseaux sanguins
(2).
Le patient se trouve face à trois menaces:
- La chirurgie elle -même qui libère des cellules cancéreuses dans la circulation générale et lymphatique, à
une réduction des concentration d'angiostatine et l'endostatine qui semblent bloquer la vascularisation des tumeurs cancéreuses et de ce fait s'opposer au développement des néovaisseaux tumoraux
et à une augmentation de concentration de facteurs de croissance qui stimulent la croissance des tissus malins à distance.(1) (3)
- L'anesthésie qui nuit à de nombreuses fonctions immunitaires, y compris les fonctions des neutrophiles, des
macrophages, cellules dendritiques, les cellules T et cellules tueuses naturelles.(4)
- L'administration d'opioïdes qui inhibent la fonction cellulaire immunitaire humorale. La morphine est
pro-angiogéniques et favorise la croissance des tumeurs mammaires chez les rongeurs. Par conséquent, les analgésiques non-opioïdes contribuent à préserver la fonction des cellules tueuses
naturelles..(5)
C’est pourquoi , il a été proposé de développer des protocoles d’anesthésie recourant davantage à l’anesthésie régionale et à l’analgésie péridurale postopératoire. L’anesthésie par bloc régional préserverait les défenses «actives » contre la progression de la tumeur en diminuant le stress chirurgical, en diminuant aussi le recours aux anesthésiques volatiles et, en postopératoire, aux opiacés. Les études in vitro et les essais sur l’animal semblent concluants, mais les études réalisées sur l’homme ont jusqu’à présent donné des résultats contradictoires.
Une nouvelle étude a été réalisée par une équipe australienne. Elle a inclus 446 adultes en attente d’une intervention chirurgicale
abdominale pour tumeur cancéreuse (le plus souvent intestinale). Tous ont été opérés sous anesthésie générale mais certains ont bénéficié en plus d’une anesthésie péridurale le plus souvent
au niveau thoracique, et d’une analgésie péridurale postopératoire alors que les autres ont reçu une analgésie postopératoire par opiacés.
Le temps moyen entre l’intervention et la récidive du cancer ou le décès est de 2,8 ans dans le groupe contrôle, et de 2,6 ans dans
l’autre groupe. La survie sans récidive est identique dans les deux groupes.
Les auteurs concluent qu'une analgésie épidurale en association avec une anesthésie générale ne préserve pas plus les fonctions
immunitaires. D’autres critères peuvent dicter ce choix, comme de diminuer les effets secondaires des opiacés, ou la nécessité de réduire le risque d’hypotension ou la quantité de fluides
intraveineux administrés.
Source: Myles P.S. et coll.: Perioperative epidural analgesia for major
abdominal surgery for cancer and recurrence-free survival: randomized trial
BMJ 2011;342:d1491
(1) Denis MG, Lipart C, Leborgne J, LeHur PA, Galmiche JP, Denis M, et al. Detection of disseminated tumor cells in peripheral blood of colorectal cancer patients.
Int J Cancer1997;74:540-4. (2) Shakhar G,
Ben-Eliyahu S. Potential prophylactic measures against postoperative immunosuppression: could they reduce recurrence rates in oncological patients? Ann Surg
Oncol2003;10:972-92. (3) Zetter BR. Angiogenesis and tumor metastasis.
Annu Rev Med1998;49:407-24. (4) Sacerdote
P, Bianchi M, Gaspani L, Manfredi B, Maucione A, Terno G, et al. The effects of tramadol and morphine on immune responses and pain after surgery in cancer patients. Anesth Analg2000;90:1411-4.(5) Bar-Yosef S, Melamed R,
Page GG, Shakhar G, Shakhar K, Ben-Eliyahu S. Attenuation of the tumor-promoting effect of surgery by spinal blockade in rats. Anesthesiology2001;94:1066-73.